À l’heure où l’urgence climatique s’impose dans tous les domaines de notre vie quotidienne, le sport n’échappe pas à la règle. Le football en France, en tant que phénomène culturel majeur et discipline la plus pratiquée, se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins entre performance sportive et transition écologique. Infrastructure, déplacements, consommation énergétique, production de déchets : les enjeux sont multiples et complexes. Alors, quel avenir pour le football face aux défis environnementaux en France ?
Avec des milliers de matchs organisés tous les week-ends et des infrastructures éclairées souvent sept jours sur sept, le football professionnel et amateur génère une empreinte carbone significative. Selon une étude de Carbone 4, les émissions du secteur sportif proviennent majoritairement de :
Un seul match de Ligue 1 peut produire jusqu’à 2 à 3 tonnes de CO₂ si l’on intègre l’ensemble des postes liés à l’organisation. Et ce chiffre grimpe lorsqu’on ajoute le cycle de vie des équipements ou le tourisme sportif.
La modernisation des stades pour les grands événements comme l’Euro 2016 a mobilisé plusieurs milliards d’euros. Pourtant, l’impact environnemental de ces grands chantiers reste peu documenté. Consommation de béton, artificialisation des sols, usage intensif de ressources naturelles : la construction ou la rénovation de stades génèrent de lourdes émissions de gaz à effet de serre.
Le stade Vélodrome de Marseille rénové pour l’Euro 2016, bien que désormais plus économe, consomme encore d’importantes ressources énergétiques notamment pour l’entretien de sa pelouse naturelle et l’éclairage nocturne.
Certains clubs prennent conscience de leur rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le FC Nantes, par exemple, a lancé dès 2021 une politique environnementale ambitieuse : suppression des bouteilles en plastique dans le vestiaire, éclairage LED, pelouses sans pesticides. Du côté du PSG, des efforts ont été faits, notamment sur les déplacements des supporters via des transports en commun renforcés.
Néanmoins, ces initiatives restent encore isolées. Peu de clubs disposent d’un plan stratégique écologique à long terme, et les actions manquent souvent de coordination à l’échelle nationale. Le développement durable devient un argument marketing plutôt qu’une véritable stratégie de transformation.
La Fédération Française de Football (FFF) a entamé début 2023 une réflexion sur sa stratégie environnementale, en lien avec le ministère des Sports et des ONG comme Football Écologie France. Les premiers efforts passent par :
Mais là encore, ces actions restent embryonnaires et peinent à s’imposer comme des standards obligatoires sur le territoire national.
Les initiatives citoyennes gagnent également du terrain. Des groupes de supporters engagés, comme les « Supporters Éco-Responsables » à Lyon ou à Toulouse, lancent des campagnes de sensibilisation, trient les déchets dans les tribunes ou militent pour des déplacements en train plutôt qu’en avion.
Ici, l’effort apparent montre une modification des mentalités, mais ces actions pâtissent d’un manque de coordination globale et d’outils fournis par les structures officielles.
Pour répondre aux enjeux environnementaux, il ne suffit plus d’ajouter de la verdure autour des stades ou de changer les ampoules pour des LED. Il faut viser une transformation systémique du football français, à la fois dans sa pratique, son modèle économique et sa gouvernance.
Cela implique notamment :
La clé du changement réside dans la régulation. Le Ministère des Sports et la FFF doivent mettre en œuvre des politiques incitatives mais aussi contraignantes. L’instauration d’un cadre juridique environnemental spécifique au sport permettrait d’unifier les pratiques et d’accroître l’impact des efforts actuellement dispersés.
Des normes pourraient être appliquées sur :
En s’inspirant des politiques menées dans d’autres pays européens comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, la France pourrait créer une réglementation pionnière à l’échelle européenne.
La sensibilisation des jeunes joueurs constitue également un levier puissant. Les centres d’entraînement, les écoles de football et les programmes périscolaires doivent intégrer une dimension environnementale forte :
Des associations comme Sport Planète travaillent déjà dans ce sens, mais elles gagneraient à être davantage soutenues par les fédérations et les collectivités territoriales.
Face au dérèglement climatique, le football français ne peut plus se permettre de rester dans une dynamique linéaire de croissance. Il est indispensable de remettre en question son modèle économique fondé sur l’hyperconsommation et l’événementiel carbone-intensif. Cela implique une sobriété assumée, mais aussi de nouveaux récits à construire autour d’un football aligné avec les limites planétaires.
Il ne s’agit pas de freiner la passion que ce sport suscite, mais de réinventer les modalités de cette passion pour qu’elle devienne durable. Si le foot est capable, en France, de rassembler des millions de personnes, alors il est aussi capable d’être un moteur de changement écologique, à condition de repenser ses pratiques en profondeur.